Le site que nous ouvrons aujourd'hui au grand public rejoint une cause désormais mondialement connue en France : retrouver enfin, après des années de sevrage intensif, imposé et traumatisant, le sympathique Groquik, sauveur devant l'Eternel et pour l'éternité des petits-déjeuners volés !
Mais au fait, pourquoi un énième site sur ce thème tant travaillé par de nombreux internautes ? me demanderez-vous. Parce que la lutte armée, tout comme les pétitions, semblent ne pas avoir d'emprise sur la multinationale froidement rationaliste qu'est Nestlé. Si ce site rejoint donc aujourd'hui la vague de fond, le tsunami pro-Groquik, c'est pour lui apporter un vecteur supplémentaire d'attaque : Groquik doit renaître, et ce au nom de la diversité culturelle, si chère à nos politiciens ! Notre président de la République, si largement plébiscité par le peuple français en mai dernier, nous a promis des signaux forts, nous assurant qu'il avait bien saisi notre message par ce vote ; qu'il agisse donc, en appliquant par exemple sans pitié et sans attente ce qu'il claironnait haut et fort le 15 octobre 2001 à la 31ème session de l'UNESCO à Paris :
"La réponse à la mondialisation-laminoir des cultures, c'est la diversité culturelle. Une diversité fondée sur la conviction que chaque peuple a un message singulier à délivrer au monde, que chaque peuple peut enrichir l'humanité en apportant sa part de beauté et de vérité"
Tous derrière notre président, pourfendons le vil Nestlé qui, sous le couvert d'une mondialisation qui a bon dos, a supprimé sans remords le héros de notre enfance pour réunifier sous une même façade insipide l'image du petit-déjeuner chocolaté made by Nestlé. Et ce donc au détriment de cette exception culturelle pourtant si française, niant l'idée même que le consommateur français puisse, au travers de l'image de Groquik, apporter à l'humanité désemparée par l'image inquiétante de Quiky aux incisives redoutables sa part de beauté et de vérité dans le personnage tout en rondeurs et en douceur qu'est notre bibendum jaune.
Je vois déjà les sceptiques me rétorquer que l'Europe, s'ingérant comme à son habitude
dans la politique française, tuera dans l'oeuf toute velléité nationale pour rétablir
Groquik dans nos grandes surfaces. Mais c'est bien mal connaître l'Europe que d'oser
prétendre cela !
Car le traité d'Amsterdam comporte un amendement qui met en évidence le respect et la
promotion de la diversité culturelle (Art. 128, § 4) ; et dans cette orientation politique
appuyée par l'Union Européenne, il devient d'autant plus nécessaire d'établir une représentation
et une protection appropriées des différentes cultures d'Europe, et donc entre autres du
patrimoine consumériste du Français moyen : quel meilleur cheval de bataille que Groquik,
symbole fort pendant des décennies du petit-déjeuner franco-français, pour engager le combat
contre la vile multinationale et sa mondialisation expurgée de toute originalité locale ?
Ce combat est déjà en cours, mais il est loin d'être fini. Et ce soutien tangible - car écrit et donc appuyé par nos plus hautes instances publiques - ne peut que nous inciter à continuer dans cette voie. Car en plus, le risque est réel, comme le souligne fort à propos Catherine Lalumière, députée socialiste au Parlement Européen de Strasbourg et ancienne secrétaire générale du Conseil de l'Europe :
"Les humains ne peuvent accepter sans réaction la destruction de leur culture, car ceci constituerait non seulement un appauvrissement, mais la perte de leur identité et finalement de leur raison d'être. Nous ne sommes qu'au début de ce phénomène, dont la plupart des peuples de la planète n'ont pas encore pris conscience. Mais l'on observe que sont de plus en plus nombreux ceux qui constatent que leur culture est fragile, que leur langue est de moins en moins parlée, que leur histoire s'oublie, que leurs créateurs se découragent [...] On parle d'ailleurs de plus en plus souvent non pas d'exception culturelle (l'expression est trop négative et restrictive), mais de diversité culturelle, l'objectif étant d'éviter l'uniformisation du monde en préservant la diversité des cultures comme on le fait en défendant la biodiversité pour conserver la diversité des espèces. La diversité culturelle est donc d'abord un enjeu politique fondamental pour l'avenir des sociétés d'un bout à l'autre de la planète."
Si Groquik est aujourd'hui notre étendard, il n'est aussi que la face cachée de l'iceberg que nous promettent des cadres dont la rationalité économique hypertrophiée a phagocyté leurs derniers lambeaux de culture locale. Ce que vous pleurez aujourd'hui en passant devant des rayonnages surpeuplés de grinçants et carnassiers sourires de Quiky, vous le verrez peut-être bientôt au centuple ?